Des experts inquiets au chevet de la biodiversité
En trois ans, cinq cent cinquante experts bénévoles de cent pays ont compilé dix mille publications scientifiques, complétées par des données statistiques et un inventaire des savoirs traditionnels locaux. L’objectif de ce travail colossal coordonné par la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) était de fournir aux décideurs de la planète cinq rapports sur l’état de la biodiversité mondiale.
Un rapport par région : l’Afrique, les Amériques, l’Asie-Pacifique et l’Europe-Asie centrale – pôles et océans non-inclus. Un cinquième rapport se penche sur l’état des sols dans le monde. Chaque rapport a ensuite été résumé en une note politique non-contraignante âprement négociée par les représentants des États membres réunis fin mars à Medellín, en Colombie.
L’analyse a privilégié une approche de la nature au travers des services qu’elle nous rend, les services écosystémiques, sans considérer le déclin des espèces animales et végétales comme une perte en soi. Mais ce déclin de la faune et de la flore, dans toutes les régions étudiées menace l’économie, les moyens d’existence, l’autonomie et la sécurité alimentaire et la qualité de vie des populations du monde entier.
Petit tour du monde…
En Afrique, dernier sanctuaire de grands mammifères, de nombreuses espèces sont menacées par la déforestation, des pratiques agricoles non-durables, des activités minières peu respectueuses de l’environnement, des espèces invasives ou les changements climatiques. Une source d’inquiétude supplémentaire est que la population du continent devrait doubler d’ici 2050.
En Asie-Pacifique, les menaces principales sont les changements climatiques, les espèces invasives, l’intensification de l’exploitation agricole et la surpêche. Malgré quelques succès dans la protection d’écosystèmes vitaux comme des zones marines ou forestières, les progrès sont insuffisants.
Les Amériques ont connu de profondes modifications des paysages marqués par la domination de l’homme. Les savoirs locaux concernant la culture et la gestion forestières sont en voie de disparition.
En Europe-Asie centrale la menace principale est l’intensification de l’agriculture et de l’exploitation forestière combinés à un usage intensif de produits agrochimiques (pesticides et engrais). Les ressources naturelles sont consommées à un rythme effréné qui ne permet pas leur remplacement. Les changements climatiques vont également peser de plus en plus sur cette exploitation non-durable, et de là sur la biodiversité.
Le 5e rapport se penche sur l’état des sols dans le monde ; des sols chaque jour plus dégradés par la pollution, la déforestation, l’exploitation minière et les pratiques agricoles non durables qui les appauvrissent.
Ces cinq rapports conduisent les experts à évoquer une sixième extinction de masse des espèces sur Terre. Les disparitions d’espèces se sont accélérées depuis 1900 à un rythme équivalent à celui de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années.
« La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas trop tard. Ce dont nous avons besoin, c’est de production durable de financements appropriés, débarrassés des subventions. » a déclaré Robert Watson, président de l’IPBES. Il a également mis l’accent sur une alimentation responsable et une production durable : « Nous n’avons pas besoin de devenir tous végétariens ! Mais un régime alimentaire plus équilibré, moins de bœuf, plus de poulet et de légumes peut aider à réduire la pression à la fois sur le changement climatique et sur la biodiversité. Nous sommes en train de saboter notre propre bien-être à venir ! » Les rapports de l’IPBES suggèrent aussi des pistes pour minimiser l’impact des activités humaines sur l’environnement : créer davantage d’aires protégées, restaurer les zones dégradées et développer l’agriculture durable.
« Nous devons prendre la biodiversité en compte dans notre façon de gérer l’agriculture, la pêche, la forêt, la terre », a expliqué le président de l’IPBES, conscient que la population mondiale va continuer à croître, donc ses besoins aussi. « Le monde gaspille environ 40% de la nourriture qu’il produit. Si nous pouvions réduire le gaspillage de nourriture, nous n’aurons pas à doubler sa production dans les 50 prochaines années », a-t-il suggéré.
Lors de sa prochaine réunion plénière en mai 2019, l’IPBES produira cette fois un bilan mondial de la biodiversité.
Si les nouvelles semblent alarmantes pour la biodiversité, des solutions sont à portée de main pour chacun d’entre nous. Nous pouvons adopter un régime alimentaire plus équilibré avec moins de bœuf, plus de poulet et de légumes. C’est le moment d’avoir des comportements responsables vis-à-vis du transport et de l’énergie pour minimiser notre impact sur les changements climatiques. Et enfin, il est essentiel que nous réduisions le gaspillage de nourriture et que nous privilégions un approvisionnement par un élevage et une agriculture durables.
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